Samantsy

Samantsy est le nom d'une variante du jeu d'échecs que pratiquaient au début du XXe siècle, les tanala de l' Ikongo dans le sud-est de Madagascar.

Histoire du jeu

Les règles du jeu samantsy ressemblent à celles du chatrang iranien. Il est donc raisonnable que le samantsy soit dû à une malgachisation d'un jeu introduit par des commerçants arabes ou ottomans, voire par les iraniens qui, selon Flacourt, ont colonisé la côte est de Madagascar au début du XVe siècle.

Lorsque les anglais proclament Radama Ier roi de Madagascar, ils exagèrent un peu : plusieurs royaumes résistent encore et toujours à l'envahisseur Merina, parmi lesquels

Les habitants de ces deux royaumes sont tous appelés Tanala peut-être à cause d'une origine commune, mais les plus insoumis restent ceux de l'Ikongo (un plateau d'accès assez difficile).

Lorsque les français ont colonisé Madagascar à la fin du XIXe siècle, ils ont hérité du problème tanala : ceux qui avaient résisté au royaume Merina durant tout le XIXe siècle, ont tout aussi bien résisté à leurs vainqueurs français. Un officier nommé Charles Ardant du Picq a alors été envoyé en Ikongo pour une mission de « pacification » de l'Ikongo. C'est à cette occasion qu'il a découvert cette version inédite du jeu d'échecs, dont il a entendu le nom samantsy.

De retour à Tananarive en 1912, Ardant du Picq publie dans les comptes rendus de l'académie malgache (probablement avec l'aide d'André Dandouau, secrétaire de l'académie), une description de ce jeu. L'article occupe deux pages et décrit les règles expliquées ci-dessous.

Dans les années 1930, Ralph Linton, un ethnologue américain, fait à son tour un séjour à Madagascar où il étudie les Tanalas, tant ceux du Menabe que ceux de l'Ikongo. Dans son livre the Tanala, a hill tribe from Madagascar, il décrit, concernant l'Ikongo, deux jeux mathématiques :

En 1940, dans une revue d'échecs, un australien nomme Harry Huffel a décrit le samantsy, observé à Ambahaka dans l'Ikongo. Mais sa description est moins précise que celle d'Ardant du Picq. En particulier les pions sont promus à des pièces correspondant à celle qui était à la case d'arrivée au début du jeu. Mais dans ce cas, que devient un pion qui arrive à la case initialement occupée par le roi adverse ? Quoiqu'il en soit, le témoignage de Huffel prouve qu'en 1940, on jouait encore à samantsy. Aujourd'hui ce jeu semble totalement disparu.

Règle du jeu

Le jeu se joue sur une grille de 64 cases, sur laquelle sont initialement disposées les 16 pièces de chaque joueur, ainsi :

Les tanala vivant dans la forêt, les pièces du jeu sont moins figuratives que ci-dessus : ce sont des cylindres ou des cônes ou des pyramides, dont la taille indique de quelle pièce il s'agit, et la couleur indique à quel joueur elle appartient.

Le but du jeu est de bloquer le hova (roi) de l'adversaire. Plus précisément, si c'est à moi de jouer et que je ne peux rien faire pour empêcher mon adversaire de manger mon roi au coup suivant, j'ai perdu.

Le hova ♚

Le roi s'appelle hova (roturier à Tananarive, mais seigneur en province, c'est un administrateur merina envoyé par le roi ou la reine pour contrôler le territoire en province, un peu l'équivalent d'un préfet). Le hova est la pièce la plus importante du jeu puisque le jeu est terminé si le hova ne peut plus bouger sans être pris au coup suivant, qu'il soit mat ou pat.

Le hova avance d'une case à la fois, dans n'importe quelle direction, à condition que la case d'arrivée ne soit pas occupée par une pièce de son camp. Si la case d'arrivée est occupée par une pièce adverse, le hova y va et mange la pièce en question.

En vert, les cases où le hova peut aller :

Ci-dessous il peut prendre le pion blanc mais il ne peut pas prendre le pion noir qui est dans son camp :

L'anakova ♛

Les zanakova sont les enfants d'un hova, qui ont moins de noblesse que celui-ci. Et aussi moins de puissance puisque la dame (anakova) ne peut bouger qu'en diagonale, d'une case à la fois :

Sur l'échiquier, chaque dame ne peut aller que sur des cases de sa couleur (puisqu'elle ne bouge qu'en diagonale) et c'est une des pièces les plus faibles du jeu (comme dans le chatranj). L'anakova prend une pièce adverse qui est à une case d'elle en diagonale.

Le basy ♝

Le mot basy désigne un fusil, mais les tanala étant un peuple de la forêt, utilisent ce mot pour désigner une sarbacane. De fait, le fou (basy) saute une case en diagonale :

Le basy avance de deux cases en diagonale, mais seulement s'il n'y a pas d'obstacle. Par exemple ici il ne peut pas prendre le hova ni sauter par-dessus :

Le farasy ♞

Le mot farasy vient de l'arabe qui signifie cheval. En fait le farasy du samantsy bouge comme le cavalier du jeu d'échecs :

Le farasy est la seule pièce qui a le droit de sauter par par-dessus une autre pièce, qu'elle soit blanche ou noire. Il prend la pièce adverse qui se trouve sur sa case d'arrivée :

Le vorona ♜

La forme de la tour du shatranj évoque un oiseau, or en malgache, oiseau se dit vorona. Le vorona du samantsy bouge comme la tour des échecs, tout droit (horizontalement ou verticalement) d'autant de cases qu'on veut, du moment qu'il n'y a pas d'obstacle.

Le vorona prend aussi horizontalement ou verticalement :

Le zaza ♟

En malgache zaza veut dire enfant. C'est une pièce qui peut subir une métamorphose comme les enfants qui deviennent adultes. Mais lors de sa métamorphose, le zaza se transforme en un anakova qui est beaucoup moins puissant que lui. Le zaza bouge comme un vorona mais seulement en avant, c'est-à-dire qu'il avance d'autant de cases qu'il veut, du moment qu'il n'y a pas d'obstacle :

Le zaza ne peut pas sauter par-dessus une autre pièce, donc il est bloqué par la présence d'un obstacle :

Cela ne veut pas dire que le zaza ne peut pas prendre de pièce adverse, seulement il prend en diagonale (d'une seule case) :

Enfin lorsqu'un zaza arrive au bout :

il se transforme instantanément en anakova :

Pour gagner

Les noirs ont gagné lorsque le hova blanc ne peut plus bouger :

Le basy blanc peut bouger (4 cases accessibles) et le zaza blanc peut bouger (3 cases accessibles) mais aucun de ces mouvements ne permet de libérer le hova blanc. Comme c'est aux blancs de jouer, les blancs ont perdu, donc les noirs ont gagné.